S’expatrier en Afrique, mode d’emploi

Dans un monde où la croissance est systemiquement en berne, l’Afrique fait, figure d’exception. A l’aube d’un développement exponentiel, cet immense continent attire et attise les ambitions des grands groupes internationaux, persuadés d’y trouver à terme une rentabilité sans commune mesure avec l’Europe ou les Etats-Unis. Encore faut-il pour ces sociétés trouver les ressources humaines appropriées pour accompagner cette volonté de développement.

Persuader les compétences de s’expatrier en Afrique n’est pas seulement une question d’argent ou de logistique. L’accompagnement avant, pendant et après est le facteur clé du succès de l’expatriation, pour l’entreprise comme pour l’expatrié.

Cela va sans dire mais disons-le quand même : on ne s’expatrie pas en Afrique à la légère ! Les exemples sont légion de candidats au départ qui ont tracé des plans sur la comète avant de revenir précipitamment à leur point de départ, illusions perdues et moral cabossé. Choisir de partir travailler en Afrique ne s’improvise pas : avant d’être une opportunité professionnelle, c’est surtout un projet de vie personnel, voire familial qu’il convient de considérer avec le plus grand sérieux, au delà de la carte postale touristique ou du fantasme d’une quelconque vie sauvage, alimenté par des années de reportages animaliers ou de films de genre... Si il n’est pas question de les nier, l’attrait financier et l’effet « booster de carrière » ne peuvent non plus à eux seuls être les déclencheurs d’un tel choix, sous peine de désillusion parfois cruelles.

Alors, avant de boucler ses valises et « vivre l’aventure de sa vie », il convient de structurer toutes les composantes de son projet… retour compris ! C’est l’unique façon de mettre toutes les chances de son côté et de réussir l’aventure.

1) Êtes-vous fait pour l’expatriation et, a fortiori, pour l’expatriation en Afrique ?

Encore une fois, on ne part pas travailler « à l’autre bout du monde » comme on part en vacances. On part pour un temps long, vivre et travailler à 100% dans un pays au climat, aux saisons, aux habitudes, aux traditions, à la culture, au mode de vie, à l’alimentation, quelquefois à la religion et à la langue, différents de tout ce que vous avez pu connaître jusqu’alors. Les compétences purement techniques ne sont pas alors les seuls pré-requis. Il faut vous interroger sur vos aptitudes psychologiques, sociales et morales à faire face à ce monde de nouveautés et d’inconnu.

Si votre famille doit vous accompagner, vous devez également vous poser les mêmes questions pour votre compagne (ou votre compagnon) et pour les enfants quand il y en a. Le cadre de vie, l’école, les loisirs, les vacances, le contexte sanitaire sont autant de questions à prendre en compte et à régler avant même le départ. Et si votre famille ne part pas avec vous, serez-vous en mesure d’accepter la situation et l’éloignement ?

Autre point crucial : êtes-vous « volontaire » pour partir travailler en Afrique ou votre entreprise est-elle à l’origine de la demande ? Dans ce dernier cas, quelles sont les véritables raisons ? Cette initiative s’inscrit-elle dans le droit fil d’un plan de carrière raisonné et cohérent ou est-ce une « promotion/sanction » déguisée, destinée à vous mettre au placard le plus loin possible du siège ?

Dans tous les cas, ne soyez pas naïf et exigez, autant que faire ce peut, que les promesses qui vous sont faites soient transcrites noir sur blanc dans votre contrat d’expatriation AVANT votre départ.

2) Le contrat, tout le contrat, rien que le contrat

Plus encore qu’un contrat classique, le contrat d’expatriation (ou de détachement) doit prendre en compte la chronologie future de votre carrière. En clair, s’il doit bien évidemment indiquer les éléments factuels qui vont border votre expatriation proprement dite (conditions de travail, horaires, vacances, salaires, primes, avantages, déménagement, logement sur place, allers-retours dans le pays d’origine au moins deux fois par an…), il doit également aborder l’après-expatriation, à savoir

les conditions dans lesquelles s’effectueront votre retour dans votre pays d’origine. Avec, au premier chef, la ville où vous serez affecté et, si possible vos futurs fonction et profil de poste.

3) Vive l’expatriation heureuse !

Pour qu’elle soit une réussite dont vous vous souviendrez avec bonheur toute votre vie, votre expatriation devra éviter les deux principaux pièges dans lesquels tombent la majorité des candidats au départ :

* rester entre expats « déracinés », dans une espèce de ghetto de luxe à l’écart de la population locale (c’est parfois difficile de faire autrement, l’employeur regroupant, pour des questions d’organisation et/ou de sécurité, l’intégralité de ses salariés expatriés dans un seul et unique périmètre…).

* se couper de ses racines pour se jeter « à corps perdu » dans la nouvelle culture qui vous reçoit.

Comme souvent, la bonne solution est la voie médiane : Se fondre sans se dissoudre… S’imprégner du pays d’accueil jusqu’à en adopter les rythmes et les coutumes, tout en gardant ses repères culturelles d’origine (le retour sera d’autant moins traumatisant). Devenir acteur sans perdre de vue que le rôle prendra fin un jour et que, dans quelques mois ou quelques années, il faudra retrouver « votre vie d’avant ».

4) Reculer dans sa carrière ou avancer ?

Dans la plupart des cas, le retour est souvent problématique, parce que mal vécu. Pour que la fin de l’expatriation ne soit pas synonyme de retour à la case départ (la promotion hiérarchique vécue en expat est rarement entérinée lors du retour au pays), de défaite ou de déprime, le retour doit, on l’a vu, être anticipé avant même le départ. Ainsi, l’expatriation sera comprise dans une séquence de carrière maîtrisée, et non comme une parenthèse qui se fermera un jour sans avenir autre que le « retour vers le passé ». Avec, pour corollaire, une situation de stress ou de déprime et/ou la volonté de « repartir en expat » pour retrouver le paradis perdu avec tous les avantages afférents : c’est le syndrome de l’expatriation professionnelle…

Le retour se doit donc d’être négocié (et officialisé par écrit !) dès la préparation du départ : conditions du retour, profil de poste, statut hiérarchique, salaires, évolution de carrière…

On l’a bien compris : si l’Afrique est le continent de tous les possibles en termes de carrière et de ressources humaines, il faut parfaitement préparer son départ et évaluer ses forces et faiblesses avant de se lancer dans l’aventure. Si les débouchés sont immenses et les potentialités à la mesure de pays de Cocagne en devenir, l’expatriation africaine mérite réflexion et circonspection : c’est un véritable projet de vie qui va vous secouer et vous changer plus que vous ne croyez. Mais attention, ne vous y trompez pas pour autant : si vous êtes prêt, si vous en avez vraiment envie et si votre entreprise joue parfaitement le jeu du départ (et du retour) avec vous, lancez-vous, allez-y, profitez-vous : vous n’en reviendrez pas !

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